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Fraude sociale : rétablir les faits, rééquilibrer les priorités

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On entend souvent parler de fraude sociale en France, avec beaucoup de préjugés qui circulent. Alors que le budget de la Sécurité sociale est en train d’être débattu, c’est l’occasion de clarifier ce que l’on sait vraiment sur ce sujet.

Commençons par les chiffres. Selon le ministère de l’Économie, en 2023, la fraude aux prestations sociales a représenté 1,1 milliard d’euros. La fraude aux cotisations sociales s’est élevée à 1,2 milliard d’euros.

En comparaison, la fraude fiscale a atteint 15,2 milliards d’euros. Mais ces chiffres ne représentent que les fraudes effectivement détectées.

Si l’on regarde maintenant les estimations globales, l’écart devient encore plus frappant : la fraude fiscale est évaluée entre 60 et 80 milliards d’euros par an. À titre de comparaison, le gouvernement cherche actuellement à faire environ 30 milliards d’euros d’économies dans son budget.

Montant des fraudes en France en 2023, en milliards d’euro.

Fraude fiscale

Ensemble de pratiques illégales permettant d’échapper à l’impôt.

Fraude aux cotisations sociales

Manœuvres d’entreprises pour ne pas payer leurs cotisations.

Fraude aux prestations sociales

Obtention indue d’allocations (RSA, chômage, APL…).

Sources : Ministère de l’Économie et des Finances, Alternatives Économiques, Statista

Une autre idée reçue largement répandue voudrait que les principaux responsables de la fraude sociale soient les particuliers, notamment les bénéficiaires des minima sociaux.

Pourtant, selon le Haut Conseil du financement de la protection sociale, les entreprises et travailleurs indépendants représentent 56% de la fraude contre 34% pour les assurés et 10% pour les professionnels de santé.

La fraude au RSA, notamment, cristallise souvent l’attention médiatique et politique. Elle est pourtant relativement marginale : elle représente 1,5 milliard d’euros, soit une petite part de l’ensemble de la fraude évaluée.

Ce chiffre doit par ailleurs être mis en regard d’une réalité bien moins visible : le non-recours massif au RSA.

Selon la DREES, environ 34 % des personnes éligibles à cette prestation ne la perçoivent pas, soit un montant estimé à 3 milliards d’euros d’aides non versées.

On parle beaucoup de ceux qui « profiteraient » du système, beaucoup moins de celles et ceux qui y renoncent, parfois faute d’informations ou par peur de la stigmatisation.

Au-delà des chiffres, il faut aussi réfléchir à la façon dont on lutte contre la fraude. Miser uniquement sur les contrôles a ses limites.

D’après le Haut Conseil du financement de la protection sociale, ces contrôles coûtent cher, demandent beaucoup de personnel, peuvent compliquer l’accès aux droits pour certaines personnes, et contribuent parfois à stigmatiser des publics comme les plus précaires ou les professionnels de santé.

C’est pourquoi ce Haut Conseil propose de renforcer la prévention et d’accompagner davantage les assurés et les professionnels, pour mieux appliquer des règles souvent complexes.

La fraude sociale fait les gros titres. La fraude fiscale, elle, fait perdre des milliards sans que nous le sachions. Il devient urgent de rééquilibrer les priorités.

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